vendredi 16 novembre 2007

"Sagens net immer na bravo !" : le Kaiserschmarrn

Etrange choix, pour inaugurer ce blog culinaire, qu'une recette dont on n'arrive à peine à prononcer le nom sans être agrégé d'allemand. Mais finalement, ce n'est pas forcément une mauvaise idée.

D'une part, cela vous plongera tout de suite dans le bain : j'aime la cuisine allemande et autrichienne. Si vous pensez qu'elle n'est constituée que de chou et de saucisse, vous vous trompez, et je me ferai un grand plaisir de vous le démontrer en douceur. Faites moi confiance, tout va bien se passer.

D'autre part, le Kaiserschmarrn - la "crêpe de l'Empereur" - est un met chargé d'histoire et de nostalgie pour moi. Parce que l'Empereur en question est François Ier, le mari de Sissi. Et que Sissi, c'est surtout Sissi le film, Romy Schneider et cet inoubliable triptyque qui revient chaque année durant les vacances de Noël faire rêver toutes les petites filles. Sissi, ce sont des scènes de valse d'anthologie, et des répliques qui me font toujours mourir de rire : "Josef, sagens net immer na bravo !" dit la méchante belle-mère. "Na bravo !" répond le merveilleux beau-père qui fait semblant d'être sourd pour ne plus être emmerdé par sa femme (une solution somme toute raisonnable pour faire perdurer la paix des ménages).

Le Kaiserschmarrn est donc un plat autrichien, du genre plus autrichien tu meurs. Et forcément, cela me rappelle mon année à Vienne. Pourtant, c'est en Allemagne que je l'ai découvert, grâce à la grand-mère de mon amie de Heidelberg. Un vieux reste de l'époque d'avant 1945, où 12 millions d'Allemands vivaient en dehors des frontières actuelles de leur pays, les Heimatvertriebene. Sa grand-mère, avant de rejoindre l'Allemagne de l'Ouest plus ou moins volontairement, venait des Sudètes, et cette partie de ce qui était alors la Tchécoslovaquie avait longtemps été baignée de l'influence austro-hongroise, d'où le Kaiserschmarrn. Comme quoi, tout se tient, et la cuisine peut être une source inépuisable de découvertes historiques et culturelles.

Pour finir, le Kaiserschmarrn me rappelle inévitablement ce dîner mémorable avec mon ex-beau-frère, qui avait, entre autres délicieusetés lancées en public, affirmé que "ok, c'était bon, mais de là à dire que c'était délicieux, il irait pas jusque là". Mais comme il est le seul à être de cet avis, on ne le prendra pas en compte.

Maintenant que vous avez compris que ce blog donne autant de recettes qu'il raconte ma vie (bavarde je suis, bavarde je reste), je vais laisser la place à la star du jour.


Les Autrichiens font parfois du Kaiserschmarrn un plat principal - nous aurons l'occasion de revenir sur cette merveilleuse habitude germanique de faire d'un dessert un plat principal pour le déjeuner, ce qui ravit les becs sucrés comme moi. Je trouve quant à moi qu'il se révèle parfait pour un brunch dominical ou un goûter robuste.

Voici donc la recette 100% version originale de la grand-mère de mon amie.

Pour deux personnes, en plat de brunch :

- 3 oeufs
- 1 pincée de sel
- 12,5 centilitres de lait
- 75 grammes de farine
- 40 grammes de sucre
- un trait de vanille liquide
- 25 grammes de beurre
- raisins secs (plus ou moins selon le goût)
- sucre en poudre

Commencer par séparer les blancs des jaunes, et les monter en neige avec la pincée de sel.

Dans un saladier, mélanger au fouet les jaunes d'oeufs, le sucre, le lait, la farine et la vanille. Ajouter petit à petit les blancs en neige, sans chercher à les assimiler parfaitement à la pâte, il peut rester quelques petits morceaux de blancs dans la préparation.

Faire chauffer doucement une grande poêle (feu doux-moyen) et y mettre le beurre à fondre. Verser la pâte en crêpe épaisse et saupoudrer de raisins secs, plus ou moins selon vos goûts. Lorsque la pâte commence à cuire sur un côté, couper la crêpe en morceaux d'1 cm sur 3 environ, et faire dorer ces morceaux sur tous les côtés. Hors du feu, saupoudrer de sucre glace.

Le Kaiserschmarrn est en général servi avec une bonne cuillère de compote de pomme (Apfelmus), de quetsche (Zwetschkenröster) ou d'abricot (Marillenröster).

Au passage, remarquez la richesse sémantique de la langue autrichienne : le Röster est l'équivalent allemand de la Kompott, qui n'est pas du tout comme la Mus. L'Apfelmus est une compote de pommes sans morceaux, tandis que la Kompott ou le Röster sont juste des fruits cuits dans un peu d'eau et du sucre, mais qui n'ont pas été passés au presse-légumes.

Si vous êtes fins germanistes, vous aurez également remarqué que les Pflaumen (les prunes) ont été remplacés par des Zwetschken ou Zwetschgen, et les Aprikosen (les abricots) ont cédé la place à des Marillen. Une prochaine fois, je vous parlerai des Erdäpfel et des Paradeiser. Fin de la leçon d'autrichien.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

mais que tu es mimi avec ta toque!
des bizettes

Anonyme a dit…

tu es courageuse, parce que je suis ouverte, tres ouverte aux cuisines du monde (thai, italien, marocain, mexicain, etasunien, japonais etc. etc. etc.), je ne cuisine pas deux jours de suite quelque chose du meme pays, et j'ai meme vecu 8 ans en Allemagne, j'ai ete plusieurs fois en Autriche (a Vienne, Demels c'est le Himmel) et ben j'aime pas, mais vraiment pas la cuisine allemande. je n'ose meme pas me mettre dans la peau d'un Francais qui a deja un mauvais a priori de la cuisine allemande sans avoir jamais ete en Allemagne!
par contre, les saucisses grilles allemandes en plein air, j'adore :- )

M à Z a dit…

et bien moi j'adore la cuisine allemande!
surtout les knödel en tous genres!
Merci pour cette recette et l'histoire du plat!!!

Anonyme a dit…

Schmarrn = le "ratage" de l'Empereur (il a dû avoir des soucis avec son cuisinier ?)... moi aussi je l'ai découvert en Allemagne (Souabe) mit Apfelmus, et plus tard au Café Central, aux prunes.
(j'achète régulièrement de la compote de prunes en souvenir, d'ailleurs).
(4 ans de régime sans lait/sans oeufs because allergies des enfants, ça complique le kaiserschmarrn maison ;-)) mais merci pour la recette)
Clara.be

Anonyme a dit…

les knödel, aaarghhhh

bon j'aime quand meme quelques trucs, la salade de harang a la creme sure, la salade de pommes de terre aux cornichons, les spätzle maison

saviez vous que le cheesecake (Käsekuchen) vient d'Autriche a l'origine?
ah oui, je n'aime pas les gateaux allemands non plus (beaucoup de creme et de sucre mais pas beaucoup de gout) sauf les Bienenstich et la encore en me creusant je trouverai bien quelque chose...

de facon generale, pour manger de la bonne cuisine allemande, aller en Alsace!

Mademoiselle Coco a dit…

Mélina > et si tu voyais comme mon tablier est beau !

Columbine > ne t'inquiète pas, je choisis quand même mes recettes ! Il n'est pas question que je recommande le Leberkäse frit en petits morceaux à la poêle, par exemple, ou encore les toasts Hawaï. Je ne suis aps folle ! En revanche, je suis bien d'accord pour Demel, le paradis sur Terre !

Marie > mmmmmmmmh, des Semmelknödel pour saucer le Gulasch !! Et des Grießknödel dans la soupe... Bon, chaque chose en son temps !

Clara.be > le Café central, bien sûr !! Effectivement, sans oeuf et sans lait, ça devient compliqué...

Columbine > pas même le Zwetschgendatschi, sans crème et peu sucré ? Et les Strudel ? Et un bon Mohnstreuselkuchen ? Non vraiment, on peut très bien manger sans aller en Alsace ;-)

Anonyme a dit…

pas de toast Hawaï? c'est pourtant pas mauvais...

Mademoiselle Coco a dit…

Mo > ah non, tu ne peux pas dire ça, honnêtement... On parle bien de la même chose ? Le pain de mie un peu desséché, la tranche de jambon blanc, la béchamel, la tranche d'ananas en boîte, et la tranche de cheddar chimique fondue dessus ?? Vraiment, je n'arrive pas à te croire...

Anonyme a dit…

mais oui mais oui, mais fait maison, sans béchamel: toast légèrement grillé, beurre, jambon, ananas, fromage rapé, passé au four pour faire fondre. La pizza hawaï, c'est pas mal aussi. En fait, c'est l'association ananas-salé qui me plaît!

Anonyme a dit…

malin, j'ai faim. Ravie de voir que je peux trouver tous les ingredients dans mon pays de junkfood !
Les Spatzle, petits appetizers de mes souvenirs d'Alsace fleurtant avec l'Allemagne ...
Bon je teste et je te dis.

Anonyme a dit…

Ah non! Moi je milite contre le toast hawaï, ce truc m'a traumatisée ;o)))

Sinon effectivement, j'ai eu le bonheur de manger le Kaiserschmarrn (avec son apflemuss) un soir de novembre et c'était plus que bon (roboratif ausi).

Bref, je vais zieuter tes recettes de près Mademoiselle Coco :)))

Mademoiselle Coco a dit…

Mo > bon, je crois que nos divergences sur ce point sont irréductibles ;-)

Sblabla > ah comme j'aimerais savoir faire les Spätzle maison... Peut-être qu'un jour, je tenterai !

Delphinoid > bienvenue ! Je vois que nous partageons les mêmes valeurs fondamentales sur le toast Hawaï et le Kaiserschmarrn. On ira loin avec ça ;-)

Anonyme a dit…

Chère Cocotte: merci pour ce billet si drôle et qui réveille tant de souvenirs (je n'étais pas présente par hasard quand le geschmacklose beau-f faisait cette remarque?). Et puis SISSI ... merveilleux! Je vais essayer bientôt (mais après Noël, car la cuisine allemande en termes de gâteries d'Avent est tellement riche qu'on ne peut se permettre un Kaiserschmarrn en plus).


@ Colombine: tu as encore tant de choses à découvrir, je pense...! :)

Mademoiselle Coco a dit…

Anna > c'est presque un billet écrit juste pour toi, entre le "na bravo" et "lecker mais pas tant que ça" ;-) J'ai bien pensé à toi en l'écrivant !